J3eA - 5 (2006)
DOI : 10.1051/j3ea:200618
Utilisation de Maple V dans l'enseignement de l'automatique
A. Chaehoi*, S. Grieu**, T. Talbert**, B. Claudet**, C. Joubert***
* Laboratoire d'Informatique, de Robotique et de Micro-électronique de Montpellier, Université de Montpellier II
161 rue Ada, 34392 Montpellier Cedex 5
** Laboratoire de Physique Appliquée et d'Automatique, Université de Perpignan
52 avenue Paul Alduy, 66860 Perpignan
*** Laboratoire d'Électrotechnique de Montpellier, Université de Montpellier II
Place Eugène Bataillon, CC 079, 34095 Montpellier Cedex 5
aboubacar.chaehoi@lirmm.fr, grieu@univ-perp.fr, talbert@univ-perp.fr, claudet@univ-perp.fr, joubert@univ-montp2.fr
Résumé : cet article présente une librairie d'automatique développée spécifiquement pour le logiciel de calcul formel Maple V. Cette librairie est utilisée dans un TP qui s'inscrit dans une logique de TP transversaux dont le rôle est de montrer à l'étudiant les liens et inter-dépendances qui existent entre les différentes disciplines de l'E.E.A. Elle est utilisée dans un TP qui fait suite à une série de TP de traitement du signal qui s'effectuent sous Maple V. Ce TP est associé à deux autres travaux pratiques, un en électrotechnique (étude du circuit magnétique du transformateur monophasé), le second en analyse numérique et traitement du signal (numérisation d'un disque microsillon usagé). Cet outil pédagogique (Maple V associé à la librairie d'automatique) permet à l'étudiant de visualiser et de comprendre pas à pas l'influence des différents types de correcteurs sur un asservissement. Il permet, entre autres, de mettre en pratique les techniques de résolutions analytiques apprises en cours sur un exemple réel, avec des équations bien plus complexes.
Mots clés : automatique, asservissement, simulation, calcul formel, Maple V.
Pré-requis : notions de base d'automatique.
Niveau d'études : deuxième et troisième année de licence E.E.A., I.E. et Sciences Physiques.
1. Historique et motivations
Lors de la rentrée universitaire 2000, nous avons mis en place à l'Université Montpellier II un ensemble de TD/TP de traitement du signal dont l’objectif est d'appliquer à des exemples les plus concrets possibles les techniques de résolution dispensées en cours de Traitement du Signal. La contrainte, qui nous avait été imposée, était d'effectuer et de présenter l’ensemble des calculs sous forme analytique et non pas numérique afin d'assurer une cohérence forte entre les travaux dirigés et les travaux pratiques. Ceci nous avait naturellement amené à utiliser Maple V dans le cadre de cet enseignement puisque ce langage était enseigné aux étudiants depuis leur première année de licence (à l'époque le DEUG).
Cette première partie étant en place, nous avons porté nos efforts sur des TD/TP n’étant plus dans le domaine « exclusif » du traitement du signal pur, mais qui devaient être liés aux autres domaines de l’E.E.A.. L’idée de base était la suivante : essayer à partir du bagage déjà acquis en traitement du signal (tant sur le plan méthode de calcul que logiciel) de faire ou de refaire des parties de TP d’autres disciplines de manière à montrer l’interdépendance qui existe entre les différentes matières dispensées en licence E.E.A..
L’objectif à atteindre étant clair, s’est posé naturellement la question du choix de l’environnement de travail et des sujets à mettre en place.
1.1. Quels sujets pour ces nouveaux travaux pratiques ?
Notre choix s'est porté sur 2 types de sujets :
un sujet lié à l'électrotechnique : « Étude du circuit magnétique d'un transformateur monophasé »,
un autre sujet lié à l'automatique : « Choix et étude des correcteurs pour un asservissement de position ».
C'est ce dernier sujet que nous allons aborder ici.
1.2. Quel logiciel utiliser ?
Il existe un très vaste choix de logiciels permettant la simulation d’asservissements, on peut citer de manière non exhaustive : Matlab/Simulink, LabView etc... Toutefois nous souhaitions garder une certaine homogénéité au sein des enseignements de la licence, c'est à dire ne pas devoir faire apprendre un nouveau logiciel aux étudiants pour ces travaux pratiques transversaux, et surtout ce qui est pour nous le plus important garder une approche « symbolique » au niveau des calculs.
Notre choix a donc été la continuité à savoir, réutiliser le logiciel de calcul formel Maple V de la société Waterloo. Nous pouvons ajouter que la licence Maple V était déjà présente sur tout le campus de l'Université Montpellier II, ce qui n’était pas le cas des autres logiciels tel que Matlab/Simulink.
A la différence d'un logiciel numérique (Matlab/Simulink etc..), Maple résout les problèmes de manière formelle, il ne donne pas une solution approchée numérique mais la solution exacte au problème posé. Les calculs sont effectués de manière rigoureuse et stricte, en suivant les règles de l'algèbre, sans la moindre approximation numérique.
L'organisation du travail vis à vis du logiciel est la suivante :
l'étudiant saisit les équations ou le système d'équations à résoudre,
il précise le type d'étude qu'il veut effectuer,
Maple se charge de la résolution finale du problème et de l'affichage des résultats.
Il est également possible de programmer la méthode de résolution pas à pas, le logiciel ne s'occupant que du travail ingrat (substitution de variables, multiplication addition d'équations etc..). L'étudiant ne se préoccupe que de la démarche à suivre afin d'obtenir le résultat demandé. Les commandes du logiciel sont basées sur une syntaxe proche du pascal et du C, ce qui fait que la période d'adaptation, pour un étudiant ayant quelques notions de programmation, est en général très courte.
1.3. Quel est le public visé ?
Cette librairie ne se positionne en aucun cas en remplacement d'outils dédiés à l'automatique que sont, entre autre, Scilab, Matlab/Simulink ou encore LabView. Cela signifie que les personnes qui peuvent être intéressés sont des personnes pour lesquels l'automatique est soit :
une discipline nouvelle ou encore inconnue, on peut citer ici par exemple les étudiants de Sciences Physiques quelque soit la mention,
un enseignement d'ordre général, les étudiants de licence E.E.A. ou de licence I.E. de deuxième année en sont un bon exemple.
En ce qui nous concerne à l'Université Montpellier II et à l'Université de Perpignan, la librairie d'automatique est utilisée dans une Unité d'Enseignement de Traitement du Signal de la licence E.E.A.. C'est donc pour nous un cas typique d'enseignement transversal. Cette UE utilise uniquement Maple pour ces TP, la librairie s'intègre donc parfaitement dans cet enseignement, car elle ne dépayse à aucun moment les étudiants.
Elle est également utilisée en licence de Sciences Physiques, pour pouvoir guider les étudiants dans le choix du correcteur et de ses différents paramètres. Il permet de les tester par simulation avant de les appliquer sur la plaquette de travaux pratiques.
1.4. Développement de la librairie
Cependant Maple V sous sa forme normale ne correspond pas entièrement à ce que nous désirons pour nos étudiants, à savoir un logiciel :
adapté à nos besoins pour l'automatique,
permettant d'appréhender la résolution de problèmes par tâtonnement pour bien comprendre le rôle de chaque paramètre,
simple et rapide à prendre en main,
dont nous pouvons maîtriser le code.
De manière à palier l'ensemble de ces lacunes nous avons spécifiquement développé une librairie d'automatique. Cette librairie permet de présenter aux étudiants à partir d'un problème réel, une résolution proche voire identique à celle qu'ils apprennent en cours et qu'ils utilisent en travaux dirigés. Les étudiants n'ayant pas toujours le temps matériel d'apprendre la totalité des fonctions de la librairie, ceci est particulièrement vrai pour les étudiants de Sciences Physiques, seules les procédures automatisées sont couramment utilisées.
Nous allons présenter dans une première partie le contenu de la librairie, puis illustrer avec un exemple simple son fonctionnement. Nous terminerons en présentant les développements qui sont actuellement en cours sur la librairie.
Dans ce qui suit nous utiliserons les abréviations suivantes : BO pour un système en Boucle Ouverte et BF pour un système en Boucle Fermée.
2. Le contenu de la librairie lib_automatique
Le contenu de lib_automatique peut se décomposer en trois grandes parties.
2.1. Les fonctions de transfert
Afin de simplifier le plus possible
le travail de l'étudiant nous avons intégré dans
la librairie un ensemble de fonctions de transfert communément
utilisées en automatique : les traditionnelles fonctions de
transfert du premier et du deuxième ordre, les correcteurs
intégral, proportionnel dérivé, proportionnel
intégral et proportionnel intégral dérivé,
sous leur forme théorique
et sous la forme « composants »
.
Les étudiants sont cependant libres d'écrire leurs propres fonctions de transfert, ce qui se produit lorsqu'ils effectuent la mise en équation du système à étudier. Ils doivent alors simplement se préoccuper de la syntaxe.
2.2. Les procédures de calcul
Parmi les procédures de calcul, nous n'évoquerons que les deux plus importantes :
la procédure Etude_automatique, pierre angulaire de la librairie : elle permet de gérer de manière automatique les appels à toutes les autres procédures qu'elles soient de calculs ou d'affichages. Elle est particulièrement utile pour les personnes qui souhaitent pouvoir comparer le système seul et le système asservi.
la procédure Etude_temp effectue la recherche des dépassements, s'ils existent, et affiche le temps de montée 10-90% et le temps de réponse.
2.3. Les procédures graphiques
Nous avons développé de nouvelles procédures graphiques afin de palier les carences naturelles de Maple V concernant les graphiques semi-logarithmiques. En effet bien que l'échelle soit logarithmique, l'échantillonnage des points ne l'est pas ce qui donne parfois des graphiques particulièrement peu esthétiques. Nous disposons de deux procédures graphiques Bode et Nyquist, qui, comme leur nom l'indique, permettent de tracer automatiquement les diagrammes de Bode (module, argument) et de Nyquist d'une fonction ou d'un ensemble de fonctions de transfert. L'avantage est ici de pouvoir observer sur un même graphique l'influence de différentes fonctions de transfert.
Tracé de Diagramme(s) de bode et de Nyquist |
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Une fonction de transfert |
Plusieurs fonctions de transfert |
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3. Comment utiliser la librairie ?
Nous allons utiliser la librairie pour étudier l'influence d'un correcteur proportionnel dérivé sur la grandeur de sortie d'un système. Nous allons dans cet exemple asservir en position une machine à courant continu. 2 types de perturbation peuvent être étudiés :
une perturbation sous la forme d'un échelon, qui permet de vérifier que si le correcteur est parfaitement choisi, l'erreur statique devrait tendre vers 0,
une perturbation HF représentée sous la forme d'une impulsion, qui est un cas un peu plus réel.
Nous désirons :
connaître la valeurs des éventuels dépassements pour les 2 types de perturbation,
visualiser les diagrammes de Bode en BO et BF avec et sans le correcteur.
Pour cela nous allons simuler le dispositif décrit par la figure 3 :
Nous utiliserons pour cet exemple un modèle
simplifié de la machine à courant continu dont la
fonction de transfert est
.
Le correcteur que nous utiliserons sera un correcteur proportionnel dérivé idéal dont la fonction de transfert est intégrée dans la librairie.
Le gain de la chaîne de retour sera fixé à 1.
Le signal de référence sera un échelon (Heaviside) de hauteur 1, centré en 0.
Nous appliquerons soit :
une perturbation sous la forme d'un échelon après 5 secondes de fonctionnement, c'est à dire après l'établissement du « point de fonctionnement »,
une perturbation de largeur 0.1 sec après 5 secondes de fonctionnement. Nous modéliserons la perturbation HF par la somme de deux échelons décalés de 0.1 sec.
La résolution du problème à l'aide de la librairie d'automatique se fait en quatre étapes :
l'écriture des diverses fonctions de transfert du système,
l'écriture des différents signaux appliqués au système (le signal de référence, la perturbation),
la définition des diverses constantes du problème (constantes temporelles pour le tracé de la grandeur de sortie, constantes fréquentielles pour le tracé des fonctions de transfert, ...),
l'appel aux fonctions de résolution.
3.1 Définition des fonctions de transfert
Nous commençons par affecter à trois variables (Chaîne_de_Retour, Correcteur, et Machine_Courant_Continu) la fonction de transfert correspondant à chacun des éléments de la chaîne représentée à la figure 2.
3.2 Définitions de différents signaux
L'étape n°2 consiste à définir les différents stimuli appliqués au système (la grandeur d'entrée, la perturbation).
3.3 Définitions des constantes
A l'étape n°3 nous devons définir 5 constantes nécessaires à la résolution :
1 constante concernant le pas de recherche des dépassements de la sortie (pas).
4 constantes relatives aux tracés (2 pour les diagrammes de Bode et de Nyquist Tmin, Tmax, et 2 concernant le tracé de la grandeur de sortie tmin et tmax).
3.4 Résolution du problème
3.4.1 Étude de l'erreur statique
La méthode la plus simple pour étudier l'erreur statique consiste à utiliser la procédure intégrée Etude_automatique. Il suffit de lui transmettre l'ensemble des paramètres précédemment cités (§ 3.1, 3.2 et 3.3).
Le tracé est ici particulièrement révélateur sur le choix du correcteur, que l'on peut traduire par « bien mais peut mieux faire ».
3.4.2 Étude du système soumis à une perturbation HF
Il est maintenant possible d'étudier le fonctionnement de ce système lorsqu'il est soumis à une perturbation HF. Les résultats affichés sont alors ceux des figures 9 à 14.
Voici comment se présente la résolution dans Maple V.
3.5. Autres méthodes de résolution
Pour les personnes maîtrisant le langage Maple V, il est fortement conseillé d'utiliser les autres fonctions intégrées plutôt que d'utiliser les fonctions automatiques, ceci permettant de paramètrer plus finement l'étude du système, comme présenté sur cet exemple.
4. Conclusion
Nous n'avons présenté dans cet article que la brique de base qu'est la librairie d'automatique. Les applications que l'on peut en faire sont à la charge des utilisateurs.
Le noyau originel de cette librairie a été développé par A. Chaehoi à l'époque étudiant en licence E.E.A. durant l'année 2000 dans le cadre d'un Travail d'Étude et de Recherche, ce qui a représenté un temps de travail d'environ 60 heures. Les éléments qui nous ont posé le plus de problèmes dans cette réalisation ont été le calcul des valeurs des dépassements, ainsi que la partie traitement graphique. Les autres éléments comme les fonctions de transfert, les réponses temporelles sont traitées sans le moindre problème par Maple lui-même.
Avantages de cette librairie :
Elle permet de faire de manière « assez » simple l'étude de l'influence des différents types de correcteurs dans le fonctionnement d'un système.
Le coté symbolique de l'étude permet de repérer très facilement les différents pôles et zéros lors de la modélisation amenant parfois inévitablement à une instabilité de fonctionnement.
Le fait que le langage utilisé soit Maple V permet d'éviter aux étudiants le dépaysement d'un nouveau langage de programmation (ceci est vrai uniquement pour les étudiants ayant Maple V au programme comme c'est le cas à l'Université Montpellier II et à l'Université de Perpignan) et leur permet de se concentrer uniquement sur le choix du type de correcteur.
La totalité des calculs est faite sans aucune approximation numérique. Ce qui est un « plus » incontestable puisque il n'est plus obligatoire de devoir préciser au logiciel le type de solveur (ode 23, 45 etc...) à utiliser, comme on doit parfois le faire avec Simulink, pour effectuer l'étude du système.
Inconvénients :
Le principal inconvénient est que nous utilisons une version quelque peu ancienne de Maple V. Cette version ne possède pas d'interface utilisateur, ce qui donne un aspect un peu rustique à la librairie, et ressemble à une version de Matlab à qui on aurait purement et simplement supprimé Simulink.
A l'identique de Matlab, Maple est un langage interprété, ce qui en fait un langage plutôt lent si on doit le comparer à des langages compilés.
La version 9 de Maple disponible depuis peu fait que nous allons pouvoir lier à cette librairie (qui est notre noyau de calcul) une interface d'une très grande convivialité. Elle permettra même de quasiment « oublier » la partie programmation classique. Cela lui permettra d'être utilisée par des personnes n'ayant aucune connaissances du langage Maple.
Dans le cadre du L.M.D. à l'Université de Perpignan, et pour la rentrée 2004/2005 en 2ème et 3ème année de licence E.E.A., la librairie sera utilisée au cours de 2 nouveaux TP transversaux d'électrotechnique/automatique qui seront :
l'étude du fonctionnement de l'alimentation à découpage FlyBack. Ce TP se déroulera en 2 étapes et sur 2 années universitaires de manière à être adapté au contenu des enseignements d'électrotechnique et d'automatique :
la première partie consistera à étudier la commutation en électronique de puissance sur un système asservi complet (correcteur PID de l'alimentation actif). Cette partie s'adresse en priorité aux étudiants de deuxième année de la licence E.E.A.
la deuxième partie portera sur l'étude des pertes en électronique de puissance, le choix du type de correcteur et son influence sur les pertes -localisation et valeur-. Ce TP se déroulera en troisième année de licence E.E.A et en troisième année de licence de Sciences Physiques, sous une forme un peu plus simplifiée.
l'étude de l'asservissement en vitesse d'un véhicule électrique. Ce TP s'adresse aux étudiants de la troisième année de la licence E.E.A.
Le TP sur l'étude de l'alimentation FlyBack est actuellement en cours de réalisation (maquette et validation des modèles électriques). Celui sur l'étude de l'asservissement en vitesse d'un véhicule électrique est en construction complète (choix des composants, des moteurs, des charges etc...) et devrait être prêt pour le 2ème semestre de l'année 2004/2005.
5. Bibliographie
[1] Le site de Maple V http://www.maplesoft.com
[2] La liste de toutes les fonctions de lib_automatique.
[3] Site pour télécharger les mises à jour de lib_automatique.
[4] A. Chaehoi, T. Talbert, C. Joubert, "Le calcul formel avec Maple V, un complément pour l'enseignement des asservissements", Colloque sur l'Enseignement des Technologies et des sciences de l'information et des systèmes 2001 à Clérmont-Ferrand, p105-108, ISBN : 2-9517528-0-6.